J’ai lu le Timée de Platon comme une source du mythe de l’Atlantide. Quelle déception. En plus d’avoir un texte qui explique la vision très personnelle de Platon de voir le monde, sa cosmogonie et sa science, il n’y a que peu de matière sur l’Atlantide. Ma prochaine lecture sera, Critias, qui normalement, devrait apporter bien plus d’informations. Voici ce qu’il faut retenir.
Le Timée est un dialogue écrit par Platon. Les personnages impliqués sont Timée, Socrate, Critias et Hermocrate.
Platon dévoile ici sa vision du monde. Il commence par aborder rapidement le mythe de l’Atlantide (le texte est souvent cité comme source, mais ne nous apprend presque rien).
Infos sur l’Atlantide :
- Ville d’il y a 9000 ans (par rapport à Platon, donc environ 11 500 ans pour nous)
- Située au-delà des colonnes d’Héraclès
- Guerre entre Athènes et l’Atlantide
- Ile plus grande que la Libye et l’Asie réunies (selon les définitions de l’époque)
- Engloutie en une nuit
Ensuite, Platon fait parler Timée pour expliquer sa vision de la science et du monde.
Il commence par une vision de la cosmogonie différente de celle présentée dans la mythologie grecque. En trame de fond, on sent parfois la présence d’une unique Dieu qui façonne tout. Platon explique qu’il y a 4 briques élémentaires qui constituent l’ensemble du monde : terre, air, feu et eau. Il y associe des symboles, comme le triangle ou l’hexagone et toute sa logique va se baser dessus. Tout est constitué d’un ensemble de formes et ces formes sont liées aux éléments.
Il parle de l’âme du monde et de la manière dont les mathématiques sont incluses dans le monde. L’assemblage du monde est régi par cette loi : 1, 2, 3, 4, 8, 9, 27. Par exemple, il peut y avoir, 1 élément d’eau, pour 2 de feu, 4 de terre et 27 d’air, etc.
La suite du texte explique la formation des hommes, de leur âme, de leur corps. Ensuite, il parle du temps, des saveurs, des odeurs, la nutrition, la reproduction, la respiration, les maladies, etc… Évidemment, presque l’entièreté est erronée scientifiquement. Notamment, sa vision des maladies qui consistent en un déséquilibre des éléments.
Solon m’a rapporté qu’en entendant cela, il fut saisi d’étonnement et pria instamment les prêtres de lui raconter exactement et de suite tout ce qui concernait ses concitoyens d’autrefois. Alors le vieux prêtre lui répondit : « Je n’ai aucune raison de te refuser, Solon, et je vais t’en faire un récit par égard pour toi et pour ta patrie, et surtout pour honorer la déesse qui protège votre cité et la nôtre et qui les a élevées et instruites, la vôtre, qu’elle a formée la première, mille ans avant la nôtre, d’un germe pris à la terre et à Héphaïstos, et la nôtre par la suite. Depuis l’établissement de la nôtre, il s’est écoulé huit mille années : c’est le chiffre que portent nos livres sacrés. C’est donc de tes concitoyens d’il y a neuf mille ans que je vais t’exposer brièvement les institutions et le plus glorieux de leurs exploits. Nous reprendrons tout en détail et de suite, une autre fois, quand nous en aurons le loisir, avec les textes à la main. Compare d’abord leurs lois avec les nôtres. Tu verras qu’un bon nombre de nos lois actuelles ont été copiées sur celles qui étaient alors en vigueur chez vous. C’est ainsi d’abord que la classe des prêtres est séparée des autres ; de même celle des artisans, où chaque profession a son travail spécial, sans se mêler à une autre, et celle des bergers, des chasseurs, des laboureurs. Pour la classe des guerriers, tu as sans doute remarqué qu’elle est chez nous également séparée de toutes les autres ; car la loi leur interdit de s’occuper d’aucune autre chose que de la guerre. Ajoute à cela la forme des armes, boucliers et lances, dont nous nous sommes servis, avant tout autre peuple de l’Asie, en ayant appris l’usage de la déesse qui vous l’avait d’abord enseigné. Quant à la science, tu vois sans doute avec quel soin la loi s’en est occupée ici dès le commencement, ainsi que de l’ordre du monde. Partant de cette étude des choses divines, elle a découvert tous les arts utiles à la vie humaine, jusqu’à la divination et à la médecine, qui veille à notre santé, et acquis toutes les connaissances qui s’y rattachent. C’est cette constitution même et cet ordre que la déesse avait établis chez vous d’abord, quand elle fonda votre ville, ayant choisi l’endroit où vous êtes nés, parce qu’elle avait prévu que son climat heureusement tempéré y produirait des hommes de haute intelligence. Comme elle aimait à la fois la guerre et la science, elle a porté son choix sur le pays qui devait produire les hommes les plus semblables à elle-même et c’est celui- là qu’elle a peuplé d’abord. Et vous vous gouverniez par ces lois et de meilleures encore, surpassant tous les hommes dans tous les genres de mérite, comme on pouvait l’attendre de rejetons et d’élèves des dieux. Nous gardons ici par écrit beaucoup de grandes actions de votre cité qui provoquent l’admiration, mais il en est une qui les dépasse toutes en grandeur et en héroïsme. En effet, les monuments écrits disent que votre cité détruisit jadis une immense puissance qui marchait insolemment sur l’Europe et l’Asie tout entières, venant d’un autre monde situé dans l’océan Atlantique. On pouvait alors traverser cet Océan ; car il s’y trouvait une île devant ce détroit que vous appelez, dites-vous, les colonnes d’Héraclès. Cette île était plus grande que la Libye et l’Asie réunies. De cette île on pouvait alors passer dans les autres îles et de celles-ci gagner tout le continent qui s’étend en face d’elles et borde cette véritable mer. Car tout ce qui est en deçà du détroit dont nous parlons ressemble à un port dont l’entrée est étroite, tandis que ce qui est au-delà forme une véritable mer et que la terre qui l’entoure a vraiment tous les titres pour être appelée continent. Or dans cette île Atlantide, des rois avaient formé une grande et admirable puissance, qui étendait sa domination sur l’île entière et sur beaucoup d’autres îles et quelques parties du continent. En outre, en deçà du détroit, de notre côté, ils étaient maîtres de la Libye jusqu’à l’Égypte, et de l’Europe jusqu’à la Tyrrhénie. Or, un jour, cette puissance, réunissant toutes ses forces, entreprit d’asservir d’un seul coup votre pays, le nôtre et tous les peuples en deçà du détroit. Ce fut alors, Solon, que la puissance de votre cité fit éclater aux yeux du monde sa valeur et sa force. Comme elle l’emportait sur toutes les autres par le courage et tous les arts de la guerre, ce fut elle qui prit le commandement des Hellènes ; mais, réduite à ses seules forces par la défection des autres et mise ainsi dans la situation la plus critique, elle vainquit les envahisseurs, éleva un trophée, préserva de l’esclavage les peuples qui n’avaient pas encore été asservis, et rendit généreusement à la liberté tous ceux qui, comme nous, habitent à l’intérieur des colonnes d’Héraclès. Mais dans le temps qui suivit, il y eut des tremblements de terre et des inondations extraordinaires, et, dans l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit néfastes, tout ce que vous aviez de combattants fut englouti d’un seul coup dans la terre, et l’île Atlantide, s’étant abîmée dans la mer, disparut de même. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, cette mer-là est impraticable et inexplorable, la navigation étant gênée par les bas fonds vaseux que l’île a formés en s’affaissant.
Puis, après avoir assemblé le corps, ils le mirent tout entier à son service, sachant qu’elle participerait à tous les mouvements qui pourraient exister. Enfin, craignant qu’en roulant sur la terre, qui est semée d’éminences et de cavités, elle ne fût embarrassée pour franchir les unes et se tirer des autres, ils lui donnèrent le corps comme véhicule pour faciliter sa marche. C’est pour cela que le corps a reçu une taille élevée et qu’il a poussé quatre membres extensibles et flexibles, que le dieu imagina pour qu’il pût avancer. Par la prise et l’appui que ces membres lui donnent, il est devenu capable de passer par des lieux de toute sorte, portant en haut de nous l’habitacle de ce que nous avons de plus divin et de plus sacré. Voilà comment et pourquoi des jambes et des mains ont poussé à tous les hommes. Puis, jugeant que la partie antérieure est plus noble et plus propre à commander que la partie postérieure, les dieux nous ont donné la faculté de marcher en avant plutôt qu’en arrière. Il fallait donc que le devant du corps humain fût distinct et dissemblable de la partie postérieure. C’est pour cela que, sur le globe de la tête, ils placèrent d’abord le visage du côté de l’avant et qu’ils fixèrent sur le visage les organes utiles à toutes les prévisions de l’âme, et ils décidèrent que la partie qui se trouve naturellement en avant aurait part à la direction. Les premiers organes qu’ils fabriquèrent furent les yeux porteurs de lumière ; ils les fixèrent sur le visage dans le but que je vais dire. De cette sorte de feu qui a la propriété de ne pas brûler et de fournir une lumière douce, ils imaginèrent de faire le propre corps de chaque jour, et le feu pur qui est en nous, frère de celui- là, ils le firent couler par les yeux en un courant de parties lisses et pressées, et ils comprimèrent l’œil tout entier, mais surtout le centre, de manière qu’il retînt tout autre feu plus épais et ne laissât filtrer que cette espèce de feu pur. Lors donc que la lumière du jour entoure le courant de la vision1, le semblable rencontrant son semblable, se fond avec lui, pour former dans la direction des yeux un seul corps, partout où le rayon sorti du dedans frappe un objet qu’il rencontre à l’extérieur.
Quand le repos est profond, un sommeil presque sans rêve s’abat sur nous ; mais s’il reste des mouvements un peu violents, ces mouvements, suivant leur nature et le lieu où ils restent, suscitent en dedans de nous autant d’images de même nature, qui, dans le monde extérieur, nous reviennent à la mémoire, quand nous sommes éveillés.
La vue est pour nous, à mon sens, la cause du plus grand bien, en ce sens que pas un mot des explications qu’on propose aujourd’hui de l’univers n’aurait jamais pu être prononcé, si nous n’avions pas vu les astres, ni le soleil, ni le ciel. Mais, en fait, c’est la vue du jour et de la nuit, des mois, des révolutions des armées, des équinoxes, des solstices qui nous a fait trouver le nombre, qui nous a donné la notion du temps et les moyens d’étudier la nature du tout. C’est de la vue que nous tenons la philosophie, le bien le plus précieux que le genre humain ait reçu et puisse recevoir jamais de la munificence des dieux. Voilà ce que je déclare être le plus grand bienfait de la vue. À quoi bon vanter les autres, de moindre importance ? Seul, celui qui n’est pas philosophe peut gémir et se lamenter vainement d’en être privé par la cécité. Pour nous, disons que la cause de ce grand bien est celle-ci : Dieu a inventé et nous a donné la vue, afin qu’en contemplant les révolutions de l’intelligence dans le ciel, nous les appliquions aux révolutions de notre propre pensée, qui, bien que désordonnées, sont parentes des révolutions imperturbables du ciel, et qu’après avoir étudié à fond ces mouvements célestes et participé à la rectitude naturelle des raisonnements, nous puissions, en imitant les mouvements absolument invariables de la divinité, stabiliser les nôtres, qui sont sujets à l’aberration. Il faut répéter la même chose au sujet de la voix et de l’ouïe : c’est en vue du même objet et pour les mêmes raisons que les dieux nous les ont données. En effet la parole nous a été octroyée pour la même fin et elle contribue dans la plus large mesure à nous la faire atteindre, et toute cette partie de la musique consacrée à l’audition de la voix nous a été donnée en vue de l’harmonie. Et l’harmonie, dont les mouvements sont apparentés aux révolutions de l’âme en nous, a été donnée par les Muses à l’homme qui entretient avec elles un commerce intelligent, non point en vue d’un plaisir irraisonné, seule utilité qu’on lui trouve aujourd’hui, mais pour nous aider à régler et à mettre à l’unisson avec elle-même la révolution déréglée de l’âme en nous. Les mêmes déités nous ont donné aussi le rythme pour remédier au défaut de mesure et de grâce dans le caractère de la plupart des hommes.